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Stéphane Bouchard, Ph. D.

Stephane Bouchard
Titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en Cyberpsychologie Clinique Professeur régulier à l'UQO Chercheur au Centre Hospitalier Pierre-Janet

UN NOUVEL OUTIL À L’HORIZON
LA RÉALITÉ VIRTUELLE

Depuis quelques années, un nouvel outil fait son apparition pour le traitement des troubles d’anxiété : la réalité virtuelle. La réalité virtuelle se définit comme une application permettant à un utilisateur de naviguer et d’interagir en temps réel avec un environnement en trois dimensions générées par ordinateur (Pratt, Zyda, & Kelleher, 1995).

Il existe plusieurs technologies permettant de créer une réalité virtuelle, mais la plus pratique pour le traitement de troubles d’anxiété s’avère sans contredit celle qui utilise les casques virtuels. La photo (voir prochaine page) montre une personne utilisant la réalité virtuelle pour apprivoiser sa peur des araignées. La dame porte des lunettes, avec à l’intérieur un écran devant chaque oeil, et un appareil qui capte les mouvements de sa tête. La photo montre aussi que le psychologue peut observer à l’écran de son ordinateur les mêmes images en trois dimensions que ce que voit la cliente dans ses lunettes. Pour « marcher » en réalité virtuelle, il suffit de peser sur un bouton de la souris afin d’avancer dans la direction où on regarde. Ainsi, la cliente peut se déplacer à son aise dans l’environnement recrée par ordinateur et s’approcher à son rythme des araignées virtuelles.

Pour sa part, le psychologue bénéficie de plus de contrôle sur ce qu’il va faire vivre à la cliente que s’il avait recours à une araignée vivante. Ce contrôle accru de la part du thérapeute devient particulièrement utile lorsqu’on veut apprivoiser la peur des vols en avion ou de parler en public, par exemple. Les chercheurs espèrent que le fait d’apprivoiser progressivement ses peurs (ce que l’on nomme l’exposition) en réalité virtuelle permettra de résoudre certains problèmes que rencontrent les thérapeutes lorsqu’ils font de l’exposition en situation réelle, par exemple, le manque de motivation du client à s’engager dans le traitement (p. ex., l’exposition en réalité virtuelle peut sembler moins menaçante), le contrôle limité que le thérapeute peut parfois exercer sur les variables entourant l’exposition (p. ex., dans le cas de la phobie des orages ), les imprévus (p. ex., des turbulences imprévues lors d’un vol d’avion, des bouchons de circulation lors d’une exposition pour l’agoraphobie), les risques potentiels de violation de la confidentialité (p. ex., lorsqu’il faut recruter une audience pour se pratiquer à parler en public) et, dans certains cas, les coûts associés à une séance d’exposition traditionnelle (p. ex., achats de billets d’avion pour une personne souffrant de la phobie de voyager en avion et défrayer les frais du thérapeute pour se rendre à l’aéroport et prendre l’avion avec le client). Sur le plan de l’efficacité, on peut dénombrer plus de 45 études scientifiques qui documentent l’efficacité de cette forme d’exposition pour différents troubles d’anxiété (voir Côté et Bouchard, 2008 pour une recension complète).

À titre d’exemple, Klinger et collaborateur (2003) comparent une thérapie cognitive-comportementale traditionnelle et une thérapie avec exposition en réalité virtuelle et rapportent une amélioration comparable pour 36 adultes souffrant de phobie sociale.

Barbara Rothbaum et son équipe à Atlanta ont effectué plusieurs études sur la phobie des vols en avion. Dans un premier temps, 45 personnes souffrant de la phobie de voler en avion ont reçu soit une thérapie par exposition en réalité virtuelle, soit une thérapie par exposition in vivo ou sont demeurées sur une liste d’attente. Les résultats à plusieurs questionnaires montrent qu’au post-traitement les deux formes d’exposition s’avèrent aussi efficaces et statistiquement supérieures à la liste d’attente. Lors de la relance de 12 mois, un peu plus de 90 % des clients ont effectué un vol en avion de leur propre initiative. Ces résultats ont été reproduits dans d’autres études provenant de la même équipe, et par des chercheurs indépendants.

Les désavantages de la réalité virtuelle sont assez limités, bien qu’à ne pas négliger. Premièrement, les coûts d’achat du matériel pour les psychothérapeutes représentent pour l’instant un désavantage important. Par contre, la technologie progresse rapidement, le prix des lunettes et des autres périphériques baissent régulièrement et les logiciels se vont de plus en plus abordables. Le second désavantage provient des cybermalaises, c’est-à-dire que certaines personnes ressentent de l’inconfort pendant ou après une immersion en réalité virtuelle. Les cybermalaises se manifestent en général par des symptômes temporaires chez les personnes plus sensibles au mal des transports. En effet, comme pour le mal des transports, la théorie explicative la plus populaire suggère que les cybermalaises proviennent surtout de signaux contradictoires en provenance des yeux, de l’équilibre et du tonus musculaire.

À titre d’exemple, supposons qu’on se déplace dans le monde virtuel (en appuyant sur un bouton de souris) et qu’on tourne la tête pour tourner vers la droite. Pour la personne immergée en réalité virtuelle, le déplacement vers l’avant et la droite est perçu, dans le casque de réalité virtuelle, par les yeux. Pour sa part, les muscles indiquent que les jambes ne sont pas en train de marcher, du moins pas de façon comparable à l’amplitude du mouvement observé en réalité virtuelle. Cela crée un premier message contradictoire entre deux sens, les yeux et le tonus musculaire. Les déplacements de la tête et ceux commandés par la souris sont aussi relayés à l’ordinateur, qui adapte l’image en temps réel et la transmet au casque virtuel.

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Si l’ordinateur n’est pas extrêmement puissant, il peut y avoir un retard de quelques millisecondes entre les déplacements du corps perçus par le sens de l’équilibre et ceux perçus par la vision. Ce décalage provoque lui aussi un message contradictoire entre les sens. Toutefois, pour une personne qui n’est pas fragile au mal des transports, les cybermalaises ne représentent habituellement pas un réel problème. Pour l’instant, la réalité virtuelle est surtout utilisée dans des laboratoires de recherche comme le Laboratoire de Cyberpsychologie de l’Université du Québec en Outaouais à Gatineau (www.uqo.ca/cyberpsy) ou dans d’autres équipes de recherche, entre autres, à Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières ou Saguenay. Peu de cliniques privées offrent des services en réalité virtuelle (voir www.invirtuo.ca) mais on peut s’attendre à ce que cette technologie soit plus accessible dans les années à venir.

Le nombre d’environnements de réalité virtuelle pouvant présentement être utilisés par les thérapeutes est restreint et a été développé pour les phobies spécifiques (la phobie des vols en avion, de parler en public, des endroits clos, des hauteurs, des araignées), l’anxiété sociale et l’agoraphobie. Pour tous les autres troubles d’anxiété, il faut compter des mois ou des années de travail afin de créer un environnement virtuel. Cette technologie représente donc une alternative prometteuse qui vient s’ajouter à la thérapie habituelle (et non pas la remplacer) dans l’espoir de la rendre mieux adaptée aux besoins des clients.

Références

Côté, S. & BOUCHARD, S. (2008). Virtual reality exposure for phobias: A critical review. Journal of CyberTherapy and Rehabilitation,1(1), 75-91.

Klinger, E., Bouchard, S., Légeron, P., Roy, S., Lauer, F., Chemin, I., Nugues, P. (2005). Virtual reality therapy for social phobia: A preliminary controlled study. Cyberpsychoplogy and Behavior, 8(1), 76-88.

Rothbaum, B. O., Hodges, L. F., Kooper, R., Opdyke, D., Williford, J. S., & North, M. (1995). Effectiveness of computer-generated (Virtual Reality) graded exposure in the treatment of acrophobia. American Journal of Psychiatry, 152(4), 626-628.

Rothbaum, B. O., Hodges, L. F., Watson, B. A., Kessler, G. D., & Opdyke, D. (1995). Virtual reality graded exposure in the treatment of acrophobia: A case report. Behavior Research & Therapy, 26, 547-554.

Rothbaum, B. O., Hodges, L. F., Watson, B. A., Kessler, G. D., & Opdyke, D. (1996). Virtual reality exposure therapy in the treatment of fear of flying: A case report. Behavior Research & Therapy, 34, 477-481.

Rothbaum, B.O., Hodges, L., Ready, D., Graap, K., & Alarcon, R. (2001). Virtual Reality Exposure Therapy for Vietnam Veterans with Posttraumatic Stress Disorder. Journal of Clinical Psychiatry, 62, 617-622.